Chère maman, Parce que je n’ai pas le courage de te l’avouer de vive voix, c’est par écrit que je veux te dévoiler ma vraie nature. Oh, peut-être l’avais-tu deviné ; certains signes étaient avant-coureurs. Oui, chère maman, c’est le rouge au front et les larmes aux yeux que je te l’avoue : j’aime le football. Eperdument. J’aime l’odeur âcre des vestiaires après l’effort, j’aime le contact et le rythme de ce sport, j’aime son esthétique, enfin. Oui, la Coupe du monde est mon Eden, la joie des supporteurs me transporte, leur peine me touche. Ai-je tout de même un avenir ? Je me le demande. Mais promis, chère maman, demain, je rentre dans le droit chemin. Je regarde des films tchèques sous-titrés en mandarin, je cours les expos où des dandys s’extasient devant un étron posé sur une toile blanche, je relis Schopenhauer en allemand en me flagellant à coups de fil barbelé pour expier ma très grande faute. Enfin, demain, façon de parler ; demain il y a Espagne-Suisse, et j’ai déjà commandé les pizzas.