« J’ai tout raté. Comme j’étais sans ambition, peut-être ce tout n’était-il rien. » Parmi les hommes de lettre portugais, Fernando Pessoa est sans doute celui qui, par cette sentence en manière d’épitaphe, incarne le mieux l’état d’esprit de ses compatriotes. des qu’il s’agit de football, a tout le moins, ils semblent se transformer en autant d’hétéronymes dont le poète lisboète raffolait. Qu’ils sont fringants, ces petits danseurs, comme ils brillent, ces esthètes, mais comme ils perdent, aussi ! Et après ? Dans un sport qui ressemble de plus en plus a la vie, le culte du résultat n’est pas leur apanage, tant s’en faut. Faudrait-il qu’ils s’en excusent ? Non qu’ils ne veuillent pas gagner, mais ils ne sont pas prêts, pour y parvenir, a sacrifier leurs arabesques pour vaincre au prix de l’âpreté, de la sécheresse et de la force brutale. Au bling-bling des médailles et des coupes, ils semblent préférer le clapclap des amateurs de beau jeu ; l’extase ultime du football sans le but. Ils portent en cela la mémoire de nombre d’amoureux du football, dont celle de l’immense François Thébaud. Disparu hier, l’ancien rédacteur en chef du Miroir du football laisse orphelins tous ceux de ses confrères qui se faisaient, comme lui-même l’écrivait, « une autre idée du football et du journalisme ». Puisse le bon maître enfin retrouver Garrincha, Puskas ou Sindelar ; ils sauront l’accueillir en ami.
Par Jean Berthelot de La Glétais